La chirurgie guidée peut aujourd’hui entrer facilement dans tous les cabinets des praticiens poseurs d’implants grâce aux outils technologiques existants.
Elle demande cependant une rigueur dans toutes les étapes du traitement.
Ce titre peut paraître un peu provocateur, mais c’est le but recherché. Quand beaucoup de nos confrères entendent ces deux mots(et je suis passé par là aussi...), ils ont l’impression qu’on parle d’une science compliquée ou réservée à une certaine catégorie de praticiens. Or, c’est exactement l’inverse, cette chirurgie, si évidemment on est préalablement formé à l’implantologie, simplifie la mise en place de nos fixtures, de nos prothèses futures, diminue le stress de l’intervention( patient et praticien)et dans la majorité des cas aboli les suites post-opératoires. En effet si la gencive le permet, on pourra travailler en « flapless » donc sans lever un lambeau.
Nos aînés diront souvent ne pas en avoir besoin car ils posent déjà parfaitement à main levée... mais souvent après y avoir goûté ils changeront d’avis.
Ne serait-ce que pour éviter un comblement sinusien(en passant juste à côté du sinus ou poser sur une cloison interne), se sécuriser par rapport au nerf dentaire inférieur ou encore éviter une effraction dans la loge sous-mandibulaire, je pense que ces guides, ou toutau moins ces planifications, ont touteleur place dans notre arsenal thérapeutique. D’autre part d’un point de vue légal, il semble évident que la preuve d’une planification préalable à toute interventionsera fortement appréciée par les tribunaux.
Il s’agit simplement, grâce à l’étude du volume osseux disponible, des dents adjacentes, antagonistes et des obstacles anatomiques, de choisir et positionner idéalement nos implants en tenant compte des exigences prothétiques. On appelle cela la planification implantaire. Une fois que nous avons choisi cette position, il va falloir fabriquer un guide pour placer précisément nos fixtures comme nous l’avons décidé. Aujourd’hui nous allons parler des guides à appuis dentaires qui seront le plus communément utilisés pour les cas simples.
Un point important est à souligner : différentes chirurgies guidées sont possibles, depuis l’axe de forage jusqu’au placement complet de l’implant de façon guidée (full guided). Cela dépendra de la disponibilité des trousses guidées du système implantaire utilisé.Plusieurs niveaux d’implication dans nos chirurgies guidées sont possibles selon la volonté de réaliser soi-même plus ou moins d’étapes. Je les ai classés en trois niveaux :
•Niveau 1 : la planification, et la fabrication du guide vont se faire à l’extérieur du cabinet(donc uniquement radio et empreinte seront faites localement)
•Niveau 2 : la planification sera faite au cabinet et la fabrication à l’extérieur.
•Niveau 3 : tout est fait au sein du cabinet.
•Une radiographie 3D. Aujourd’hui le standard est une image issue d’un cone beam(CBCT). Cette image est une représentation du volume osseux en trois dimensions.
•Une empreinte des dents et des tissus mous adjacents. L’empreinte optique par sa précision et son importation immédiate dans les logiciels est idéale aujourd’hui pour simplifier le flux, mais si on dispose d’un scanner d’empreinte physique ou d’un cone beam avec une option de scan d’empreinte cela est tout à fait possible. À ce stade vous pouvez déjà faire réaliser votre planification de façon externe.
•+ Logiciel de planification implantaire. C’est grâce à ces logiciels que vous allez pouvoir placer vos implants comme vous le voulez. Il en existe plusieurs, plus ou moins faciles d’utilisation, plus ou moins chers.Ces logiciels vont vous permettre aussi de modéliser ce fameux guide qui vous permettra une fois fabriqué de placer votre implant dans la position choisie. À ce stade vous pouvez externaliser la fabrication.
•+ Imprimante 3D : on entend deplus en plus parler de ces machines qui permettent de faire presque tout aujourd’hui. Leur rôle dans la chirurgie guidée est de fabriquer le guide grâce au fichier(STL)issu du logiciel de planification implantaire. Le procédé le plus commun est une résine bio-compatible qui va être polymérisée.
Ce sont donc trois niveaux, pour trois choix d’investissement(technique et financier)dans le process. Nous allons dans cet article détailler chaque partie de chaque niveau grâce à un cas clinique.
Une patiente vient consulter pour remplacer ses dents absentes[34, 35]. L’interrogatoire classique est réalisé. Je passerai sur les étapes du choix du plan de traitement pour me pencher surtout sur le sujet qui nous intéresse. À ce stade, le point important avant d’aller plus loin est surtout d’observer l’ouverture buccale. En effet l’épaisseur du guide peut être une difficulté pour le passage des forets si cette ouverture est faible. Les trousses de chirurgies guidées, selon les marques, anticipent ce problème en adaptant la longueur totale des forets en fonction de la longueur de l’implant choisi. Ainsi pour poser un implant de 8 mm, le foret sera plus court que pour un implant de 11 mm. Dans notre cas l’ouverture est très satisfaisante, nous réalisons donc dans la séance unCBC (Carestream8100 3D) qui validera la faisabilité grâce au volume osseux présent ; (Fig.5).
Nous pouvons donc aller plus loin et prendre notre empreinte optique (iTero element 2) ;(Fig.6). Pour qu’ils soient utilisables, nous devons exporter en format DICOM (.dcm)l’image du CBCT et en format STL l’empreinte de l’iTero. Selon votre Cone Beam et votre caméra, l’opération sera plus ou moins différente mais très facile dans tous les cas.
Nous sommes à ce stade au niveau1, donc capable de transférer ces informations soit à un centre de planification externe soit passer au niveau 2 : la planification implantaire. Plusieurs logiciels existent pour réaliser la planification. J’utilise personnellement Codiagnostix de Dentalwings.
• Importation des fichiers issus duCBCT ;(Fig.6, 7) : ce sont les fichiers bruts importés contenant toutes les informations de la radio 3D (tissus mous, os). Pour être utilisables par la suite nous allons devoir sélectionner les tissus qui nous intéressent. Cela s’appelle la segmentation. En faisant varier un curseur nous allons faire varier plus ou moins la sélection de densité des tissus. Nous allons aussi pouvoir nommer chaque partie qui nous intéresse et la définir avec une couleur. On pourra ainsi à ce stade supprimer par exemple de la vue 3D une dent à extraire dans le cas d’une extraction-implantation immédiate.
•Importation du fichier STL issu de l’empreinte optique et matching avec le fichier du CBCT (Fig.9, 10). On comprend ici la raison de la segmentation pour pouvoir replacer précisément le CBCT avec le STL grâce à un repositionnement en trois points(minimum). Passé ces étapes, nous pouvons placer nos implants sur les différentes coupes du logiciel selon notre volonté. Notre logiciel possède quasiment toutes les marques possibles de fixtures et donc s’adapte à tous les praticiens ;(Fig.11,12). Les longueurs et diamètres sont modifiables à souhait jusqu’à notre satisfaction. À noter que le logiciel nous alertera si les implants sont trop proches entre eux ou trop près du nerf(si on l’a préalablement défini).Nous allons choisir ici des implants Neodent Grand Morse de 3,5 x 10 mm.
Ensuite vient le choix des douilles. Ce sont les pièces métalliques qui viennent s’intégrer dans le guide en résinpour permettre le guidage et la butée deforets. Certains systèmes de chirurgie guidée s’affranchissent de douilles mais nécessitent leur propre logiciel de planification. La trousse de chirurgie guidée de la marque Neodent étant déjà intégrée dansCodiagnostix, le choix des douilles est instantané. Une option permettant de placer les futures dents virtuelles sur la planification est possible ;(Fig.13). Cela aidera fortement dans le cas de prothèses transvissées à faire sortir les puits de vis au bon endroit.
Nous allons définir ;(Fig.14-15):
•l’axe d’insertion du guide (suppression des contre-dépouilles automatique),
•l’étendue du guide. Plus le guide sera étendu plus il sera stable et donc fiable,
•les fenêtres de contrôle : ces ouvertures vont nous permettre d’objectiver l’adaptation de notre guide sur les dents. Il faut que le contact soit parfait partout,
•l’épaisseur du guide : la rigidité du guide est indispensable pour la précision aussi. Nous pouvons aussi graver sur le guide des informations (marqueurs de rotation pour le placement parfait de l’hexagone interne lors de la pose, nom du patient, tailles des implants...). Une fois ces étapes réalisées et le guide modélisé, nous allons l’exporter en format STL (ce fameux format dont vous allez entendre parler souvent). Cet export est la plupart du temps payant(entre 20 et60 euros). La création de ce fichier STL va nous permettre, de la même façon qu’un PDF ou un document Word sur une imprimante classique, d’être imprimé, mais ici sur une imprimante 3D. Nous sommes au niveau 2, donc, si nous n’avons pas cette imprimante, la fabrication peut être externalisée.
Si nous avons une imprimante 3D, il suffit d’importer le fichier dedans, de choisir la résine adéquate bio compatible et de lancer l’impression. La durée varie selon les imprimantes. Ici sur une Nextdent 5100, avec le post-traitement (nettoyage de la résine et polymérisation finale), il faut compter 40 minutes minimum pour un guide. Les douilles insérées dans le guide, celui-ci est stérilisé et l’intervention peut être réalisée ;(Fig.16 à 18)
Comme dit précédemment, les trousses varient selon les fabricants. La trousse utilisée dans ce cas est dédiée à la chirurgie guidée, avec le placement final de l’implant grâce au guide. L’avantage est la précision du placement. Si nous n’avons pas de trousse de chirurgie guidée, on pourra adapter notre planification à notre kit en choisissant des douilles compatibles avec nos forets (diamètre et longueur). Cette trousse Neodent utilise la tech-nique des « cuillères ». Selon le foret choisi, on mettra la cuillère correspondante dans la douille principale. Ce cas nous le permettant (quantité de gencive kératinisée autour des implants satisfaisante), nous allons travailler en flapless.
Déroulement pas-à-pas
Après l’anesthésie locale qui peut être très légère, compte tenue de la durée de l’intervention, plusieurs étapes sont réalisées :
•Punch initial au travers de la douille principale qui permet grâce à un bistouri circulaire de retirer la gencive du diamètre de l’implant au point d’impact ;(Fig.20 et 21).
•Passage du foret pilote de 2 mm avec cuillère correspondante ;(Fig.22).
•Passage du foret de 3,5 mm ;(Fig.23)et si besoin du foret d’élargissement de la corticale cervicale.
•Pose des deux implants ;(Fig.24,25, 26). Mise en place à travers la douille et jusqu’à la butée du driver, donc guidage total.
•Pose des vis de cicatrisation ;(Fig.27) choisies en amont grâce à la position de la gencive sur la planification. Ce type d’intervention est très rapide (15 min environ) et peu invasif , ce qui explique l’absence quasi totale de suites postopératoires au grand étonnement des patients. Un CBCT postopératoire pourra confirmer la bonne position des implants en correspondance avec la planification.
La chirurgie guidée peut aujourd’hui entrer facilement dans tous les cabinets des praticiens poseurs d’implants grâce aux outils technologiques existants. Elle demande pour être fiable une rigueur extrême dans toutes les étapes du traitement. Les outils sont fiables et performants, mais nous pouvons toujours êtrconfrontés à un problème (panne de l’imprimante, problème informatique, fracture du guide, mauvaise adaptation, planification incorrecte...). Les praticiens doivent donc être capables de gérer un changement de protocole pour passer à une chirurgie classique à la suite de ces imprévus. Le travail du praticien se fera principalement en amont de l’intervention au bénéfice du patient qui subira un traitement plus rapide et plus précis. La chirurgie guidée ne permettra peut-être pas aux praticiens surdoués de poser mieux, mais elle permettra à tous de poser avec précision et sérénité.